La crise Covid-19 a déstabilisé notre société. Pourtant, pour rétablir l’équilibre, certains proposent de faire pencher la balance d’un seul côté !
Durant la crise, nous étions à la fenêtre pour applaudir les travailleurs et travailleuses qui font tourner le pays. Aujourd’hui, les organisations patronales et les partis de droite revendiquent, sans honte, de pouvoir les licencier plus facilement, reporter leurs congés, les faire travailler de nuit et en heures supplémentaires sans aucune compensation, tout en faisant moins contribuer les entreprises à la sécurité sociale et au budget de l’État… Drôle de manière de dire merci !
Il n’y a bien sûr pas de formule magique pour sortir de la crise. Faisons toutefois preuve de bon sens. Le patronat devrait éviter les provocations qui compliquent la concertation sociale. Augmenter la flexibilité et la pression au travail, c’est exacerber les contradictions plutôt que les surmonter. L’heure n’est pas aux discours purement économiques et basés sur la seule recherche du profit. L’égoïsme et les bénéfices ne peuvent passer avant le bien commun.
Vous avez dit « bonne santé » ?
Il va de soi que nous avons besoin d’entreprises en bonne santé. Mais cette bonne santé dépend avant tout de celle des travailleurs et travailleuses. Des travailleurs et travailleuses qui ont déjà beaucoup souffert et continuent de souffrir. Physiquement, financièrement mais aussi mentalement. L’Institut Scientifique de Santé Publique Sciensano indique, par exemple, que le nombre de personnes présentant des signes d’anxiété et de dépression avait fortement augmenté après trois semaines de crise Covid-19. Peur de tomber malade, de perdre un être cher, perte de repères, limitation des contacts sociaux, incertitude quant à l’avenir… Au niveau des Régionales et Centrales FGTB, nous avons également reçu de nombreux témoignages de situations dramatiques : perte importante — voire totale — de revenus, contrats temporaires non renouvelés, absence de mesures de protection sur le lieu de travail, crainte de se faire licencier… Les facteurs d’angoisse étaient et restent nombreux. Différents experts s’attendent d’ailleurs à une explosion des troubles psychologiques, et ce, même longtemps après le « retour à la normale ». Et c’est au moment où ce « retour à la normale » est en train de s’opérer que les fédérations patronales et les partis de droite lancent leurs revendications de flexibilité et précarité accrues. Quel aveuglement ! Les travailleurs et travailleuses espèrent bien sûr pouvoir reprendre le cours de leur vie et laisser le Coronavirus derrière eux. Mais ce n’est pas en leur imposant encore plus de stress et de pression que l’on sortira de la crise. Ce modèle-là, cette course effrénée au profit, les travailleurs n’en veulent plus.
Les applaudissements ne suffisent pas
Pour sortir de la crise, remettons l’humain au centre des préoccupations ! De bonnes conditions de travail et de rémunération. Des horaires acceptables et conciliables avec la vie privée et sociale. Un contrat de travail solide. Des perspectives d’avenir. Une sécurité sociale forte et des allocations sociales qui soient de véritables remparts contre la pauvreté. Des services publics financés à hauteur de leurs besoins et de ceux de la population. Voilà ce que demande le monde du travail. Alors, plutôt que d’imposer plus de flexibilité, un report des vacances annuelles aux calendes grecques, de la précarité et une énième « cure » d’austérité, il est temps de concrétiser les avancées sociales. Les applaudissements ne suffisent pas. Les actionnaires verront peut-être diminuer leurs dividendes, mais cela ne les empêchera pas de manger. Les travailleurs, celles et ceux qui portaient et portent encore notre société à bout de bras avant, pendant et après la crise, méritent mieux que l’avenir dont rêve le patronat. La crise Covid-19 a déstabilisé notre société. Pourtant, pour rétablir l’équilibre, certains proposent de faire pencher la balance d’un seul côté !
Cet article est paru en tant qu’Edito dans le magazine de la FGTB Syndicats de juin 2020.